Luc-01:46-50: Magnificat

Et Marie dit: Mon âme exalte le Seigneur, Et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur,
Parce qu'il a jeté les yeux sur les bassesses de sa servante. Voici, en effet, que désormais toutes
les générations m'appelleront bienheureuse, Parce qu'il a fait en moi de grandes choses, Celui qui
est Puissant, Et dont le nom est saint, Et dont la miséricorde s'étend d'âge en âge, Sur ceux qui le craignent.

Antonio Vivaldi - Magnificat
(Mon âme magnifie le Seigneur)
(RV 610, en sol mineur)

Cantique de la Vierge, d'après Saint Luc 1, 39-66.

La réunion des versets 2, 3, 4 aboutit à 9 mouvements : adagio-allegro-andante molto-presto-allegro-allegro-largo, allegro, adagio-allegro ma non poco-largo, andante, allegro. Tonalité : sol mineur.

Très jouée du vivant du compositeur, cette partition date de la période 1713-1717 marquée par le départ du mæstro di cori, Gasparini, compositeur officiel de la Pietà. Vivaldi en donnera deux autres versions aux environs de 1720 et 1739 (RV 611).

C'est un Vivaldi proche de la tradition ancienne, connaissant les fastes de la polyphonie, que révèle ce Magnificat. Le Prêtre roux n'a pas voulu se laisser gagner par la fièvre théâtrale qui contamine l'univers musical vénitien. La fantaisie de son imagination musicale est ici sous l'emprise de la liturgie à l'ancienne. Mais on y trouve déjà les qualités qui placent Vivaldi à la jonction du baroque finissant et du classique : la représentation expressive des mots, l'emploi du contre-point luxuriant, le style concertant et l'extrême clarté des thèmes. Inspiré par un sentiment religieux sans exubérance, Vivaldi a composé une musique qui n'est pas encore aussi près du texte qu'elle le sera plus tard dans le Beatus vir (RV 597) par exemple, mais en adéquation avec l'humilité et la joie exprimées par la Vierge. Il emploie les moyens qui lui sont déjà habituels : des thèmes longs, utilisables par fragments, ou au contraire très courts et injectant le style du concerto dans le tissu musical ; une écriture horizontale fuguée, suivie de ponts verticaux ; des chœurs syllabiques dont la mélodie restreinte, proche de la psalmodie, avance en valeurs longues ; des solos ou duos accompagnés avec parfois des instruments obligés ; une harmonisation teintée de chromatisme qui se réclame du madrigalisme.

Vivaldi a réutilisé le chœur du premier verset ("Magnificat") dans le Kyrie (RV 587) et dans le Credo (RV 591). Sans introduction instrumentale, le chœur homophone déclame le texte sur un contexte harmonique très coloré. Le verset suivant (" Et exultavit") est un air à ritournelle dont chaque strophe est confiée à un soliste (soprano, contralto, ténor) différent. Le chœur interrompt la mélodie du contralto par des interjections massives, illustrant le mot "omnes" (tous). La ritournelle instrumentale et les vocalises entretiennent l'atmosphère de joie intense introduite par le mot "exultavit". Après un chœur avançant tantôt en imitations, tantôt hamoniquement sur un dessin obstiné des cordes ("misericordiae"), le "Fecit potentiam" éclate sur l'arpège descendant de l'accord parfait de sol mineur, aux cordes, alors que le chœur psalmodie presque recto tono ("il a déployé la force de son bras") puis enchaîne sur le verset suivant ("il a renversé les puissants") à l'unisson avec les cordes. L'accamie vient avec le duo pour sopranos sur basse continue et orgue obligé du "Et esurientes". Le gigantisme revient grâce au verticalisme, coupé de sections fuguées du verset "incipit Israël". Le "Sicut locutus" est un trio (soprano, contralto, basse) adoptant la forme strophique à ritournelle, avec haut-bois obligé. Vivaldi reprend la thématique du premier verset pour la doxologie.